



[INTERVIEW] Le suivi écologique expliqué par Vincent Tanguy
VINCI Autoroutes a chargé OGE, entreprise indépendante, d'assurer le suivi environnemental de 16 sites consacrés aux mesures compensatoires entre Veigné et Sainte-Maure-de-Touraine. Rencontre avec un homme passionné.
[Extrait du magazine HORIZON A10 n°3 : Un chantier aux multiples facettes]
Vincent TANGUY, quelle est votre mission ?
Débutée en 2019, la mission d'OGE consiste à vérifier que les mesures compensatoires, concernant le volet faune-flore, fonctionnent. Concrètement nous réalisons des inventaires, des comptages, des IPA (Indices Ponctuels d’Abondance), des observations, des cartographies et différents relevés. À partir de ces données, nous établissons des rapports et pouvons être amenés à émettre des recommandations.
Quel est l’intérêt de restaurer des pelouses sèches ?
Ces milieux appauvris se font de plus en plus rares en France et même en Europe. Pourtant, ils sont d’un grand intérêt du point de vue écologique car ils abritent des espèces patrimoniales qui se raréfient. Avec l’élargissement de l’A10, des pelouses calcicoles ont été restaurées par VINCI Autoroutes et notre travail chez OGE, consiste à s’assurer de la « bonne santé » de ces milieux et des espèces qui s’y trouvent. Nous réalisons un suivi environnemental plusieurs fois par an. D'autres groupes sont aussi suivis tels que les oiseaux de plaine à l'aide d'IPA ou les papillons de jours par transects. Ces méthodes nous permettent d’estimer la surface de recouvrement des espèces végétales et d’apprécier l’évolution des espèces présentes.
Quelles espèces êtes-vous susceptible d’observer au sein de ces pelouses calcicoles ?
On retrouve par exemple l’Odontite de Jaubert, l’Orchis pyramidal ou encore l’Origan. Chaque pied est cartographié à l’aide de coordonnées GPS pour que nous puissions suivre leur évolution et les retrouver facilement à la floraison. Nous faisons également un suivi avifaunistique c'est-à-dire des oiseaux et des papillons de jours. Sur ces plaines sèches, on observe des oiseaux de milieux ouverts comme l’Alouette des champs dont la population est en chute, ou encore l’OEdicnème criard qui est un oiseau protégé typique des steppes. Les OEdicnèmes criard, qui tiennent leur nom de leur chant puissant à la tombée du jour, affectionnent particulièrement les terrains remaniés par des travaux. Deux fois par an, en avril et en mai-juin, nous faisons des IPA pendant 20 minutes. Cela consiste à compter tous les oiseaux que l’on entend ou que l’on voit. De cette manière, nous pouvons apprécier l’évolution de la population des oiseaux sur un site donné. Six mares de compensations ont été aménagées dans le cadre du projet.
Quelle est votre action sur ces sites et quelles espèces y observez-vous ?
Nous sommes attentifs à tous signes évocateurs d’une évolution du milieu, comme l'assèchement précoce ou l'expansion de certaines plantes. Nous étudions les amphibiens (grenouilles, crapauds, tritons) mais aussi les libellules comme le Leste Brun. Pour ces deux groupes, les têtards ou larves vivent dans l'eau avant de devenir des adultes terrestres. Il s’agit-là d’une transformation incroyable du fait du passage de la vie aquatique (grâce aux branchies) à la vie terrestre (grâce aux poumons chez les amphibiens et aux trachées chez les libellules) ce qui intriguent toujours les chercheurs. Nous observons différentes sortes de libellules sur ces mares comme les frêles agrions ou les libellules vraies comme l'Anax empereur de taille plus imposante. Enfin les haies autour des mares de compensation sont aussi des refuges pour certains oiseaux tel que le Bruant Jaune, un oiseau protégé et menacé au niveau national à cause de la dégradation de ses habitats.
Pour finir, quel regard portez-vous sur ces mesures compensatoires ?
Elles répondent à des enjeux réglementaires et sont nécessaires pour compenser la destruction de milieux sensibles d'intérêts écologiques. Elles sont aussi une véritable opportunité de recréer des écosystèmes vertueux pour la biodiversité dans son ensemble.
Vincent Tanguy est responsable de l'agence ouest de l'office de génie écologique (OGE) en charge du suivi écologique sur l'élargissement de l'A10.
> En savoir plus : Le suivi environnemental
Crédits photo : VINCI Autoroutes ; Guillaume Souvant